Co-construction scientifique et citoyenne
La communauté citoyenne bidartar s’interroge sur l’histoire de son territoire quand elle décide de solliciter L’Atelier des Jours à Venir, une coopérative d’enseignement et de recherche également basée à Bidart, pour mettre en œuvre cette démarche participative. Elle l’intègre dans un Programme « Nouveaux Commanditaires – Sciences », soutenu par la Fondation de France.
Ce programme a en effet pour objectif « d’accompagner et stimuler des communautés citoyennes à s’engager dans un dialogue avec des chercheurs pour construire des questions de recherche originales ».
Le groupe de « commanditaires » formule dès lors son questionnement et se lance dans la démarche. Ils sont portés par Livio Riboli-Sasco et Maria Pothier, les médiateurs de ce programme. Une ethnologue, Terexa Lekumberri, travaillant à l’Institut Culturel Basque, est associée au projet, et d’autres chercheurs et acteurs s’associent au fur et à mesure. Le projet de recherche est ainsi travaillé en interdisciplinarité et selon plusieurs axes : des recherches historiques avec une collecte de témoignages et une analyse géographique avec une cartographie passée et présente*.
Il est acté que les témoignages seront conjointement réalisés par Terexa Lekumberri et les commanditaires, afin qu’ils deviennent parties prenantes de la production de données qui répondront à leur questionnement. C’est en novembre 2019, et dans ce cadre, qu’une formation à la collecte de témoignages est proposée. Elle est mise en œuvre par Anaëlle Guérin de Bird, en appui avec Terexa Lekumberri.
Les personnes participant à la démarche avaient une envie très forte d’aller recueillir la parole des anciens, envie doublée d’un sentiment d’urgence à le faire. Mais recueillir un témoignage ne s’improvise pas. Même si le bon sens peut permettre d’éviter certains écueils, il faut être préparé avant la rencontre avec le témoin. Et aussi parce que ces entretiens doivent répondre à certains critères pour devenir des sources et des données exploitables et pouvoir être analysés dans le cadre d’un projet de recherche.
Anaëlle Guérin a formé les habitants de Bidart à la collecte de témoignages durant 2 jours pour aborder les aspects légaux, techniques et méthodologiques de l’enquête par entretiens. Les ateliers pratiques ont permis aux participants de balayer toutes les étapes nécessaires et la méthodologie à suivre lors d’une collecte. Et ils sont repartis avec différents outils indispensables, tels que la liste des témoins associée à des critères de sélection, le questionnaire co-construits durant la formation, le contrat de cession de droits à faire signer aux témoins, ainsi que la fiche de synthèse et chronothématique à compléter pour chaque témoignage. Enfin, trois binômes d’entretien réunissant habitants et personnels de mairie ont été constitués – et une répartition des témoignages réalisée.
Le projet lancé en 2017 s’est clôturé en 2022, avec pour aléas la crise sanitaire de 2020. Il a fédéré 48 participants, 29 chercheurs et étudiants sur une douzaine de réunions. A ce jour, 7 témoignages ont été collectés, dont 5 par les bénévoles.
Au-delà de la question, de ces différents résultats et des perspectives pour la suite, la richesse du projet vient de l’intérêt, de la curiosité et de la motivation des commanditaires, des échanges entre citoyens et chercheurs, et de la portée de la recherche scientifique pour la société, notamment pour la commune de Bidart et ses habitants. Comme l’Atelier des Jours à Venir l’écrit « Il s’agit de collaborer pour créer une question commune, de partager des curiosités et d’explorer ensemble l’inconnu. »
Bidart n’a jamais aussi bien porté son nom, qui signifie en basque « à la croisée des chemins » !
Des projets de recherche enracinés dans des questions de citoyens curieux de leur territoire et des démarches tissant des liens entre chercheurs et citoyens, voilà une dynamique dans laquelle Anaëlle Guérin se retrouve et pour laquelle elle a plaisir à apporter sa contribution.
* L’analyse géographique est réalisée par Clélia Bilodeau et des chercheurs du Laboratoire Dynamiques Sociales et Recomposition des Espaces (Université Paris Diderot – CNRS) avec la participation d’étudiants du Master Espace et Milieux (Université Paris Diderot).
